1938 - Reconstitution d'une race vouée à disparaître

Remontez plus loin dans le temps en scrollant la page pour accéder aux paragraphes dédiés à l'Histoire des chevaux LP migratoires qui ont permis l'existence des Appaloosas sur le territoire américain...

Nous sommes en 1937, période entre 2 grandes guerres qui ont changé le Monde entier. A ce moment-là peu de chevaux Appaloosas avaient survécu, race vouée à disparaître suite aux effroyables guerres civiles qu'a vécu l'Amérique entre les peuples indigènes, dont les Nez-Percés (tribu qui a élevé et créé des générations de chevaux LP proches de la rivière Palouse) et les descendants des colons européens (nouveaux américains). 

Des rares passionnés d'Appaloosas font le nécessaire pour sauvegarder les rares individus restés en vie et créent en 1938 le studbook APpaloosa Horse Club (APHC) dans le but de reconstituer la race : puisqu'il était impossible de sauvegarder des lignées pures par souci de quantité (trop peu d'individus = risque élevé de consanguinité) et souci d'identification (pour diverses raisons, politique et financière, de bonne ou mauvaise foi, de manque de connaissances...) tout croisement était permis et toute descendance porteuse de couleurs tachés de pois ou parsemée de neige (patterns uniques donnés par le complex leopard - bien qu'on avait pas la technologie pour tester génétiquement la couleur il était facile de reconnaître visuellement certaines robes tel que le fewspot et le léopard, tandis que d'autres comme le varnish (à l'époque mal désigné comme blue roan ou red roan), pouvant s'exprimer tardivement, engendraient des complications d'identification autant chez les chevaux identifiés comme Appaloosas solids que chez des chevaux enregistrés ailleurs, comme certains Quarter Horses enregistrés solids qui s'avèrent être en réalité des partbred Appaloosa LP... mal identifiés ! Pour ne citer qu'un exemple... Parce que théoriquement l'humain souhaitait que le QH soit purement solid sans couleur mais sur le terrain l'humain n'avait pas parfaitement contrôlé la génétique des chevaux et il existe aujourd'hui encore des rares lignées de QH porteurs LP mais ça... ce n'est pas le sujet de cet article !).

C'est grâce aux croisements que renaît la race Appaloosa au XXème siècle : en une trentaine d'années seulement le studbook compte déjà +200 000 chevaux enregistrés et devient rapidement un studbook populaire, pour autant les croisements sont toujours tolérés aujourd'hui bien que seulement 3 races sont autorisées : le Quarter Horse, le Pur-Sang Arabe et le Pur-Sang Anglais. En France nous connaissons essentiellement les Appaloosas quarterisés (très grand apport de sang QH par des croisements répétitifs sur des générations) mais les différentes lignées existent grâce aux petits élevages, permettant à la race d'être très polyvalente quelque soit l'équitation et la discipline souhaitée. Le mental de l'Appaloosa dépendra également de son pedigree (selon si l'Appaloosa en question est quarterisé, arabisé, fondation....).

Ainsi la race Appaloosa possède de nombreuses lignées - je ne parlerais que des lignées fondations puisqu'elles sont au centre de mon intérêt : les Appaloosas dits FONDATION sont des Appaloosas enregistrés APHC issus de mariages purs (Appaloosa APHC x Appaloosa APHC) sur 4 générations au minimum jusqu'aux premières générations : celles des chevaux fondateurs. Plusieurs programmes existent pour déterminer le taux de sang Appaloosa. La considération de ces programmes dépend entièrement des stratégies d'élevage des propriétaires et éleveurs d'Appaloosas souhaitant sauvegarder les premières souches de la race.

De mon avis personnel je considère que le "vrai Appaloosa" (true Appaloosa en anglais) n'existe plus depuis la reddition du peuple Nez-Percé, les vrais éleveurs des vrais Appaloosas. Tout simplement parce que les stratégies d'élevage et la culture du peuple "white rangers" (nouveaux américains) sont bien différents du peuple Nez-Percés et qu'aujourd'hui au XXIème siècle nous procédons encore différemment (et en grande majorité sous l'influence des américains pro-QH). Il n'y a qu'à comparer les champions du National Show APHC entre les 1ères éditions et les dernières éditions pour constater l'évolution de la race Appaloosa. Les éleveurs d'Appaloosas du XXIème siècle ne peuvent que sauvegarder au mieux les plus vieilles lignées et espérer de se rapprocher au mieux des légendes racontées (même si les amérindiens ne laissaient aucune trace écrite ils ont marqué les esprits des white rangers et le Musée de l'Appaloosa a recensé de nombreux témoignages écrits à propos de la qualité des Appaloosas du XVIII-XIXème siècle). On peut difficilement parler de pure race puisque toute création provient d'un mélange (croisements) et cela concerne les Appaloosas reconstitués il y a à peine 1 siècle avec une grande influence américaine par les éleveurs et juges de QH ! Mais des éleveurs se battent pour stopper l'apport de nouveaux sangs (croisements) et ainsi créer des lignées de pure race Appaloosa.

L'Appaloosa : race riche en histoires !

Une race qui a vu le jour grâce à une panoplie d'ancêtres qui ont parcouru le Monde.

On retrouve des peintures de chevaux tachés de pois (spotted) datant de ~25 000 ans dans des grottes préhistoriques à Lascaux et Perch Merle en France. 

Le laboratoire américain Etalon Equine Genetics (EtalonDX) a découvert en 2022 la présence du gène LP sur une séquence ADN analysée d'un cheval préhistorique nommé "Delta" datant de 16 000 - 16 112 ans selon leurs estimations. Ces découvertes historiques prouvent que le complex léopard existe depuis des milliers d'années !

Les anthropologues émettent l'hypothèse que ces chevaux de la Préhistoire pourraient être les ancêtres lointains des chevaux tachés de pois que nous connaissons aujourd'hui.

En 2018 des chercheurs ont conclu que les chevaux de Botai (qui avaient diverses robes dont tachetés grâce au complex leopard) n'étaient pas les ancêtres des chevaux domestiques actuels mais les ancêtres directs des chevaux de Przewalski (2 études : ici et ). Ceci révèle que les chevaux de Przewalski sont en réalité les descendants sauvages des premiers chevaux jamais domestiqués. Peut-être que ces chevaux de Botai (ou un autre groupe d'individus ?) ont permis d'autres descendances où le complex leopard fût transmis (puisque les Przewalski ne sont pas porteurs de ce groupe de genes) et ainsi permis l'existence de nombreuses races domestiquées dont l'Appaloosa.

On retrouve diverses peintures prouvant la migration mondiale de ces chevaux tachetés car leurs robes particulières ont fasciné les humains depuis des années et sont représentés dans l'art à travers le Monde :

• Durant l'âge de bronze la région de Fergana (aujourd'hui Ouzbékistan) se trouve au coeur des steppes asiatiques qui était l'une des principales routes empruntées pour le commerce et les voyages longs. On y découvrait à cette époque les chevaux tachés de pois dans cette région.

• Des archéologues ont trouvé des vases datant de la Grèce Antique présentant des chevaux tachetés tractant des véhicules de guerre.

• Les perses proclamaient que l'ancêtre des chevaux tachés de pois était Rakhch, la monture du héros mythique perse Rostam. Il est dit que Rakhch descendait d'une entité blanche, symbole du Bien. Les exploits de Rostam et son cheval datent du IX et Xème siècle selon le Livre des Rois (Shâhnâmeh).

• Durant la dynastie Han (en Chine) l'Empereur Han Wudi eu vent des rumeurs qui couraient sur ces chevaux tachetés appelés "les chevaux sacrés de Nicosie" (nom donné par les perses et les grecques), il envoya des courtiers au Fergana pour obtenir ces chevaux que les chinois appelaient à leur tour "les chevaux célestes". Certains chinois pensaient que ces chevaux tachetés correspondaient aux chevaux cités dans une de leur prophétie qui évoquait "des chevaux célestes viendront du Nord-Ouest".

• En France on retrouve de nombreuses peintures de nobles, rois et saints avec des chevaux tachés de pois. Durant le XVIIème siècle les rois Louis XIV et Louis XV ont tous les 2 eu un autoportrait avec leur cheval tacheté. Paraît-il qu'on appelait ces chevaux "les tigres". Et c'est bien plus tard qu'on découvrit les peintures dans les grottes, prouvant la présence des chevaux tachés de pois sur le sol français depuis bieeeeeeen longtemps.

• Au milieu du XVIème siècle l'Autriche acquis un groupe de chevaux andalous venus d'Espagne. Un peintre autrichien peignit un groupe de chevaux ibériques aux diverses couleurs dont des tachés de pois. Mais la preuve que des chevaux tachetés ont traversé le sol autrichien date de 800 avant J.C. : découverte d'une épée enfermée dans un fourreau de fer orné d'une gravure de 4 hommes à cheval avec des taches sur la croupe. Cette épée se trouvait dans un cimetière à Hallstatt.

• Au XVIIème siècle le Danemark reçu des chevaux tachetés d'Autriche mais les danois n'ont pas correctement préservé ces souches dans leurs élevages. C'est en 1808 qu'un boucher danois acheta une jument tachetée nommée Flaebe. La progéniture de cette jument ont permis la création de la race Knabstrupper.

• C'est au XVIème siècle que les colons européens, notamment les espagnols, importent à leur tour des chevaux tachés de pois en Amérique. Il est dit que le conquistador Hernán Cortés importa 16 chevaux au Mexique dont un cheval snowflake.

[ Des théories évoquent la présence de chevaux LP sur le territoire américain datant d'avant la célèbre colonisation du XVème siècle mais faute d'éléments concrets et d'études poussées je ne cite aucune source pour le moment ]

Et c'est au XVIIIème siècle que le peuple autochtone les Nez-Percés font leurs premières acquisitions de chevaux au Shoshone. A cette époque le peuple vivait sur les terres devenues aujourd'hui Washington, Oregon et l'ouest de l'Idaho. Les Nez-Percés élevaient d'abord les Appaloosas pour la polyvalence et la chasse puis pour la guerre : ce sont rapidement devenus des chevaux de guerre au coeur de fer, endurants, rapides et avec un retour au calme fabuleux. Leurs chevaux ont rapidement gagné une réputation de chevaux d'excellence auprès des autres tribus autochtones et des colons européens. L'Appaloosa Museum a retrouvé des journaux écrits en 1800 par des européens évoquant les Appaloosas comme "des chevaux d'une race excellente - ils sont nobles, élégants, dynamiques et rustiques." Ces extraordinaires caractéristiques ont rendu la race populaire en plus de la loyauté que dévouer l'Appaloosa envers son cavalier : les chevaux qui n'étaient pas utilisés par les guerriers suivaient la tribu dans leurs périples même lors des fuites des familles, comprenant femmes et enfants, qui devaient traverser les montagnes dans des conditions difficiles. Les Nez-Percés ont prouvé la qualité de leurs chevaux lors des nombreuses batailles qui ont eu lieu dont celles de 1877 où le chef Joseph (de son vrai nom Hin-mah-too-yah-lat-kekt) a conduit son groupe de ~700 hommes pendant 3 mois à combattre face à ~2000 ennemis. Malheureusement les familles tombaient malades lors des fuites et la tribu entière tombait de fatigue - le 05 octobre 1977 dans le nord du Montana à ~50 km seulement du refuge qu'ils souhaitaient rejoindre au Canada, le chef Joseph demanda une dernière fois des négociations et finit par déclarer un abandon. Suite à cela les colons ont confisqué les Appaloosas et les ont revendu dans une vente aux enchères gérée par le gouvernement US au Fort Keogh. Les chevaux qui n'étaient pas vendus étaient abattus par l'armée US - sachant qu'une grande partie des Appaloosas étaient déjà massacrés lors des périples et batailles... La race était proche de l'extinction.

C'est en 1938 que Mr Claude J. Thompson et d'autres américains se sont dévoués au sauvetage et à la reconstitution de la race en créant le studbook APHC : ils récupérèrent des Appaloosas et les croisèrent avec diverses races pour éviter l'inbreeding (consanguinité).

« Maumin » (prononcé Mau-meen) : nom donné par les Nez-Percés pour parler de leurs chevaux tachetés. Le nom « Appaloosa » fût donné vers 1870 à l'époque où les cultivateurs de blé s'installèrent près de la rivière Palouse, où vivaient également les Nez-Percés. Les agriculteurs ont d'abord appelé ces chevaux « Palouse » puis « Palousey horses » ce qui a donné « a Palousey ». En peu de temps ce terme fût raccourci par « Apalousey » pour finalement devenir le célèbre nom « Appaloosa ».

Les Nez-Percés et les ranchers blancs des vallées de la Snake River du Sud-Est de l'état de Washington avaiant un lien en commun : le respect mutuel pour le cheval. Sam Fisher, un des derniers autochtones de la tribu Palouse (appartenant au groupe Nez-Percé), était un éleveur d'Appaloosas - il vivait prés de la Snake River tout comme la famille Lamb et la famille Hickman. Pour décrire la valeur de l'Appaloosa comparé aux autres chevaux Sam Fisher disait  en anglais tant bien que mal (car peu à l'aise dans cette langue) : "Un Appaloosa, un plein camion d'autres chevaux".

Guy Lamb, un rancher blanc, possédait l'étalon Knobby de couleur "bleu rouan avec une bande tachée sur les hanches" (à l'époque on ne distinguait pas le varnish du roan puisqu'aucun test génétique n'existait, on peut imaginer l'étalon d'une couleur qui se rapproche du noir varnish taché). Knobby était né en 1918, un fort et agile cheval aux sabots sûrs telle une chèvre des montagnes, à la démarche souple. Les frères Guy et Glen Lamb utilisaient Knobby comme cheval de ranch. Il engendra de nombreux poulains dont : Baby Patches, Bonnie et Little Dan (ce dernier issu de la jument Spot de la famille Hickman). Les éleveurs ont croisé Little Dan avec une autre jument décrite comme "red roan" (probablement alezan varnish) de la famille Hickman, nommée Lucy  : le poulain donné fût Old Blue. Ce dernier était accouplé avec une autre jument des Hickman qui se nommait Trixie, la mère de Chief of fourmile et de Toby I : le tout 1er Appaloosa gagnant du concours national de l'APHC, né le 15 avril 1936 et décédé le 21 février 1966 à 2 mois de sa 30ème année. Il gagna de nombreuses compétitions durant toute sa vie et s'était placé 3ème à ses 22 ans lors d'une parade. Sa dernière apparition publique date de 1965 quand il avait 28 ans.